O. Bauer: 500 ans de Suisse romande protestante

Cover
Titel
500 ans de Suisse romande protestante.


Autor(en)
Bauer, Olivier
Erschienen
Neuchâtel 2020: Éditions Alphil
Anzahl Seiten
157 S.
von
Marc Aberle

Professeur de théologie à Lausanne, Olivier Bauer réalise une synthèse de l’histoire du protestantisme de la région francophone de la Suisse. Issu d’un cours, disponible en ligne, l’ouvrage se mesure à des lieux communs du protestantisme, dont celui de son rôle dans la construction du monde moderne. L’auteur enquête sur les origines de sa confession, pour déconstruire un objet historiographique malaisé à définir.

En introduction, l’auteur pointe les précautions nécessaires à toute analyse du protestantisme romand. Notre regard est celui des héritiers d’une histoire traitant d’une Suisse, de cantons francophones ou d’une confession qui n’existaient alors pas en tant que réalités telles que nous les percevons. La majeure partie des 500 ans dont le portrait est dressé est donc celui d’un processus: la constitution indécise d’identités qui se recoupent imparfaitement, non sans contradictions. Cette prudence conceptuelle est à saluer. Elle engage à congédier les simplifications pour privilégier l’étude critique d’un objet fini.

Suivant l’ambition de cette collection, c’est à l’exercice difficile d’un abrégé d’un demi-millénaire en 157 pages que l’auteur s’adonne avec un remarquable esprit de synthèse. Cela le conduit à donner à chacun des siècles de son plan une caractéristique principale: diffusion de la Réforme au XVIe siècle, orthodoxie au XVIIe siècle, ouverture au XVIII e siècle, diversification au XIX e siècle, renouvèlement aux XXe et XXIe siècles.

Le premier chapitre s’arrête sur une Réforme de l’Église qui, dans l’ancienne Confédération largement germanophone et protéiforme, est portée par Zurich et Berne. C’est de ce dernier canton que sont posés les jalons de la diffusion de la Réforme réformée dans des territoires sujets et alliés de langue française. L’auteur retrace ainsi cette chronologie initiée dès la conversion du mandement d’Aigle. Or, si l’homogénéité confessionnelle est recherchée, la coexistence peut parfois s’installer au gré des circonstances. Cela découle des aléas de la mise en place d’un principe de vote majoritaire quant au maintien ou la suppression de la messe, dont les limites et enjeux sont pointés par l’auteur.

Ce dernier adjoint à sa chronologie des tableaux et encarts qui renforcent la pédagogie et l’accessibilité de l’ouvrage. En outre, plutôt que d’évoquer les éléments doctrinaux qui mènent certaines parties de l’Europe à rompre avec Rome – Bauer réussit le tour de force de résumer les principes protestants en deux paragraphes dans l’introduction – il souligne plutôt les raisons empiriques qui poussent certains à adopter la Réforme, d’autres à la refuser, les derniers à la nuancer. C’est de cette triple réception que s’établissent les églises nouvelles.

Après la transition vers de nouvelles formes de piété, il faut éduquer et discipliner, ce à quoi s’attèle un XVII e siècle que Bauer place sous le signe de l’orthodoxie. Le deuxième chapitre retrace cette organisation et les débats dogmatiques réglés par la Formula Consensus. Cette confession de foi stricte cristallise la tension entre relativisation du dogme et respect de la tradition. Discipline, contrôle des mœurs, rivalité avec l’autorité civile, orientation libérale de certains pasteurs parcourent une confession tiraillée entre accueil des coreligionnaires chassés d’autres pays et controverses entre orthodoxie «stricte» et «raisonnée».

À l’orée du siècle des Lumières, ces orientations divergentes sont incarnées par trois pôles géographiques qui scandent un troisième chapitre: Neuchâtel est placée à mi-chemin entre le conservatisme de Berne et l’ouverture des pasteurs genevois. Dans les faits, ce n’est pas sans peine que les évolutions s’imposent. Certes, Genève fait office de pionnière lorsqu’elle renonce à exiger des ministres la signature d’une confession de foi. Ces tendances rationalistes n’empêchent cependant pas la condamnation des idées circulant en France, dont celles de Rousseau. C’est ainsi de l’extérieur que proviennent les impulsions, notamment l’établissement de la liberté de conscience et de culte, à la suite de la Révolution.

Le quatrième chapitre évoque la Suisse moderne émergeant lentement au XIX e siècle, où les évolutions séculaires se combinent étroitement avec des considérations religieuses qui constituent un accélérateur de la mobilisation politique. L’État fédéral moderne et radical, dont la Constitution reconnaît la liberté de croyance et de conscience, est le produit de la dissolution d’une alliance qui a aussi un aspect religieux. La brève guerre civile ne met pourtant pas un terme aux débats sur la relation de l’Église à l’autorité civile. Malgré la victoire apparente des cantons protestants et libéraux sur les catholiques, les protestants se divisent. En Romandie comme ailleurs, ces divergences vont croissant: entre les Églises nationalisées soumises à l’État et des Églises indépendantes prônant l’orthodoxie et s’adonnant librement à leur rôle social dans un moment d’industrialisation et de paupérisation, les discours se durcissent. Il en ressort l’image d’un protestantisme romand hétérogène, nonobstant une ambition commune d’endiguer l’impiété via des campagnes contre l’isolement social et l’espoir de convertir des catholiques.

Ces tendances persistent au XX e siècle. Cantonales, les Églises réformées cultivent leur spécificité tout en s’ouvrant à la collaboration, à la radiodiffusion, à la féminisation, à l’œcuménisme. Ces initiatives côtoient la diminution du nombre de fidèles, à laquelle tentent de parer les fusions entre Églises libres et nationales. Face à cette érosion et à l’épuisement des ressources financières, les controverses du siècle passé s’estompent. Le XXIe siècle étant jeune, l’auteur profite du chapitre y afférent pour dresser un bilan contrasté, articulé autour des commémorations du jubilé de Calvin et de la Réforme. Ces moments de célébration voilent une situation précaire: après le temps de l’établissement, de la fixation puis de la libéralisation, celui du déclin serait venu, incarné par la fermeture de certaines facultés de théologie. Concurrencées par les Églises évangéliques, les Églises réformées de Suisse romande se trouvent à la croisée des chemins, face à un avenir incertain. Clair, sobre, riche, conforme à une critique protestante ne s’interdisant pas la confrontation au passé, l’ouvrage est loin de l’hagiographie. Il offre une porte d’entrée remarquable pour mesurer les facettes du protestantisme en Suisse romande, malgré certaines incohérences de dates dues à la nécessité de concision. Ces rares erreurs sont compensées par la qualité de la démonstration et la réussite de ce pari consistant à dégager l’évolution d’un protestantisme romand en constant renouvèlement. Un ouvrage utile aux spécialistes autant qu’au grand public.

Zitierweise:
Aberle, Marc: Rezension zu: Bauer, Olivier: 500 ans de Suisse romande protestante, Neuchâtel 2020. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 72 (1), 2022, S. 150-152. Online: <https://doi.org/10.24894/2296-6013.00102>.

Redaktion
Autor(en)
Beiträger
Zuerst veröffentlicht in
Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit